Vendredi soir. Une chaleur d’enfer toute la journée, les enfants sont surexcités. Je suis en retard ce soir-là à cause des sempiternels problèmes de transport (merci la SNCF). Monsieur est donc obligé d’emmener seul les enfants chez le médecin car Lumière a une conjonctivite depuis 2 semaines qui refuse de partir.
Malheureusement le vendredi c’est consultations libres, ce qui signifie le début d’une longue attente… Lorsqu’il arrive, 7 personnes devant lui. 1/4 d’heure de consultation par personne, soit 1h45 à patienter avant que ça ne soit le tour de Lumière.
Afin d’améliorer l’ambiance chaleureuse des lieux, la salle d’attente est une verrière et avec le soleil qui tape à 30°C, cela produit un charmant effet de serre, rendant les lieux un tantinet… étouffants !
Monsieur est donc vite débordé avec les enfants qui ne tiennent pas en place : le petit veut absolument marcher – sauf qu’il a encore besoin de nous tenir les mains pour se déplacer – et le grand veut courir partout. Et naturellement, Merveille qui réclame constamment tablette ou téléphone pour jouer, refuse ce moyen de canalisation. Ce serait trop facile…
Entre sa propre fatigue due à la chaleur, les regards noirs des autres patients parce que nos bambins font trop de bruit à leur goût et les enfants qui le sollicitent de toute part, il a vite fait de faire quelques concessions à première vue anodines pour réussir à tout gérer. Ainsi Merveille a le droit de faire des allers-retours en courant de la salle d’attente à l’entrée du bâtiment, sinon il devient intenable. Monsieur peut donc se consacrer à Lumière en gardant un œil sur Merveille.
Mais le cadet a vite fait d’accaparer toute son attention. Il met donc un certain temps à se rendre compte que Merveille met du temps à revenir cette fois. Il tend l’oreille et prend soudain conscience de cette absence de bruit angoissant. Pourtant on peut difficilement louper tout le tintamarre que fait l’aîné où qu’il soit. Alors pourquoi ce silence ?
Il prend Lumière à bras et va vérifier dans l’entrée, personne… Il veut demander aux secrétaires si elles ne l’auraient pas vu, d’autant qu’elles le connaissent bien, mais elles sont toutes les deux occupées par des appels téléphoniques.
La panique commence à monter. Ce moment d’angoisse ultime où tous les pires scénarios défilent dans notre tête. Où est-il ? Est-ce que quelqu’un l’a emmené ? A-t-il profité qu’une personne entrait ou sortait pour aller dans la rue ? Et s’il se faisait renverser ? Si on ne le revoyait jamais ?
Reprenant ses esprits, il court vérifier aux toilettes, on ne sait jamais, des fois que… des fois que par chance, il ai simplement eu envie et qu’il y soit allé sans rien dire, sans prévenir. De la chance, c’est ce qu’on ressent vraiment, ce à quoi on se raccroche désespérément en priant tout et n’importe quoi pour retrouver son enfant sain et sauf.
Quand il y arrive enfin, un petit bonhomme de bientôt 4 ans en sort, sourit simplement à son père en lui expliquant qu’il avait eu envie de faire pipi.
Et là Monsieur, les yeux embués, soulagé au-delà de ce que les mots peuvent exprimer, répond à son fils qu’il ne devrait jamais s’en aller sans prévenir. Merveille ne comprend pas, dit qu’il a prévenu la gentille dame à l’accueil. Pourquoi n’est-ce pas suffisant ? Il ne comprend pas la panique paternel, et n’entrevoit pas une seconde la raison pour laquelle son père semble si inquiet.
Monsieur me racontera tout cela dans la soirée, la voix tremblante, les larmes aux yeux et le visage tordu d’angoisse au souvenir de ce qu’il a vécu, ressenti. Je crois qu’il n’est pas prêt d’oublier ce moment où il a bien cru que tout basculait. Une leçon qu’il n’est pas prêt d’oublier. On me dit mère angoissée, mais je ne sais que trop bien qu’il suffit d’une toute petite minute pour que notre monde s’écroule à jamais. Je préfère donc conserver cette étiquette et garder mes enfants indemnes, plutôt que faire partie des faits divers qui me retournent les tripes à chaque fois que je les lis.